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From Paris to Hildesheim
8 juillet 2016

Kinder, Küche und Kirche?

L'autre jour, en rentrant de la fac avec Marine, une petite étiquette rose collée sur un poteau a attiré mon attention. La voici.

IMG_0882

Navrée, je n'ai pas pensé à faire de panorama pour l'avoir en entier. On peut y lire la phrase suivante : "Mein Körper gehört weder Kirche noch Deutschland. Weg mit §218!". Avec beaucoup de modestie, je me permets de traduire pour les non-germanistes : "Mon corps n'appartient ni à l'Eglise, ni à l'Allemagne. Non au §218 !".
Tiens tiens tiens... Cela m'a beaucoup intriguée, donc j'ai effectué quelques recherches... et ce que j'ai découvert m'a franchement étonnée (et je dois reconnaître que ça fait un peu froid dans le dos également...). Je vous annonce le thème de ce billet : on va parler avortement ! Accrochez-vous, c'est compliqué !

Le paragraphe 218 du Code Pénal allemand définit les conditions selon lesquelles une femme peut (ou non) avorter.
Lors de la promulgation du Code Pénal de l'Empire allemand en 1871, il va sans dire que l'avortement était une pratique largement condamnée, formellement interdite par le fameux paragraphe 218. De nombreuses tentatives ont été faites pour essayer de le faire abolir, en vain.
La situation commence à changer après la guerre. Rappelez-vous : l'Allemagne est alors divisée en deux Etats distincts, la République Fédérale Allemande à l'ouest, régime démocratique, et la République Démocratique Allemande à l'est, régime communiste. Scission d'un pays, mais également des mentalités. La RFA est très conservatrice, ce qui laisse assez peu de place au changement pour les femmes. J'ai été très étonnée d'apprendre que la situation était toute autre en RDA : l'idéologie communiste tend en effet à promouvoir l'égalité hommes-femmes au travail, dans le domaine des sports, etc. De fait, dès 1972, l'avortement y est légalisé sous certaines conditions (jusqu'à 12 semaines de grossesse, IVG pratiqué par un médecin, etc.) et ce, malgré les protestations virulentes des églises chrétiennes. En RFA, les tentatives pour faire évoluer l'article échouent : un petit pas en avant, un petit pas en arrière, et en 1976, le §218 prévoit une peine d'emprisonnement et une amende pour l'IVG, qui reste interdite sauf 4 exceptions (médicales, eugéniques [sic], criminologiques et détresse sociale).
Lors de la réunification allemande en 1990, il est d'abord décidé de créer une disposition "transitoire" qui permet à la "Loi IVG" et au "§218" de cohabiter, en quelque sorte, en restant en vigueur dans les territoires autrefois concernés. Je ne vais pas m'attarder sur les détails. En 1995, le paragraphe 218 est à nouveau adopté après quelques modifications : l'avortement doit avoir lieu avant la fin de la 12e semaine et ne peut être réalisé que si la santé de la mère est en danger ou que la grossesse est le résultat d'un viol. Si ce n'est pas le cas, l'acte médical n'est pas remboursé par la Sécurité Sociale (les frais s'élèvent à environ 400€). Finalement, les femmes de l'Allemagne de l'est ont connu un véritable recul !

Comme je vous le disais, j'ai tout d'abord été surprise par ce que j'ai appris au cours de mes recherches. L'Allemagne, moteur de l'Union Européenne, Etat à l'économie solide, pesant fortement sur la scène internationale. Et puis en y réfléchissant, j'ai compris que le problème venait de là : l'image que j'avais de l'Allemagne était principalement celle de la puissance économique... et donc pas forcément le reflet des mentalités.
En Allemagne, l'Eglise conserve un poids déterminant : la séparation avec l'Etat n'est pas aussi nette qu'en France, et je ne sais pas si je l'ai déjà mentionné, mais lorsque l'on se revendique d'une certaine confession, il faut payer un impôt à l'Eglise concernée, quelle qu'elle soit. Autre petit exemple : Angela Merkel, la chancelière, appartient au parti CDU, la Christlich Demokratische Union Deutschlands, qui n'est autre que l'Union démocrate-chrétienne allemande. D'un point de vue des mentalités, l'Allemagne reste donc un pays assez conservateur (avec des nuances plus ou moins fortes entre les différents Länder). Du coup, beaucoup s'accordent pour dire que les femmes allemandes sont encore parfois soumises au bon vieil adage "Kinder, Küche, Kirche", "Enfants, Cuisine, Eglise"...

 

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Sinon, toi...tu vas bien??
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